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SUR MON CHEMIN

par quelque sortilège en plein pays de moyen âge. Voici le château fort avec ses créneaux, ses mâchicoulis, qui domine la contrée, et ses huit tours, ses palais et ses douze églises, que construisit Ivan le Terrible ; voici ces murs qui pouvaient abriter quinze mille hommes et qui subirent victorieusement, pendant seize mois, l’assaut de trente mille Polonais. Cela n’a rien de l’aspect fantomatique des tours de chez nous ; cela ne se montre point comme une curiosité des temps passés et qu’il nous faut contempler aujourd’hui parce que demain l’aura effacé de la montagne et que la plaine ne connaîtra plus son ombre. Ces murs semblent bâtis d’hier, et les maîtres de ces murs sont toujours les protecteurs tout-puissants des paysans qui ont élevé leurs cabanes dans la vallée.

Car le château est là, mais les cabanes aussi. Et, point n’est besoin de quelque effort de l’imagination s’excitant à l’aspect des pierres antiques pour ressusciter une ère qui n’est point close. Les palais de cette forteresse sont habités, et les églises de ce couvent ont, comme jadis leurs prêtres et leurs fidèles, soumis aux mêmes traditions, grouillant sur les parvis et sur les places avec les mêmes habits nationaux et les mêmes loques. La fourmilière monte au flanc du coteau, s’engouffre sous les portes géantes et va se mêler à d’autres fourmilières, qui attendent depuis des heures leur tour de pleurer devant les reliques promises. Imaginez ce peuple multicolore,