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SUR MON CHEMIN

doigt le Trottoir roulant et dit « Mes fenêtres, qui sont au premier étage, donnent là-dessus. »

Ce furent des grinchements effrayants. Tout le monde plaignit cet homme et quelqu’un lui donna le conseil d’ouvrir toutes grandes ses fenêtres quand il ferait sa toilette et de se montrer de dos, en highlander ramassant une épingle. « — Qu’est-ce que vous voulez qu’on vous fasse ? un procès ? Vous le gagnerez ! vous êtes chez vous. Si quelqu’un monte à une échelle pour voir ce qu’il s’y passe, qu’il ne s’en prenne qu’à lui du spectacle qu’on lui offre. Enfin, ajoutèrent-ils, ce bruit que fait le Trottoir, en roulant, vous rendra fou. »

À la stupéfaction de tous, le personnage du strapontin répondit avec calme :

« — Je ne montrerai point mon dos au Trottoir roulant, mais un visage de bonne humeur et de bienvenue pour ceux qui s’y font rouler. Ils arrivent, pour la plupart, de fort loin ; c’est nous qui les avons invités, et, depuis trois ans, ils se sont préparés, par un labeur assidu, par un effort exceptionnel, à la fête promise. Ils ont voulu s’y montrer à leur avantage ; et, des quatre points cardinaux, ils accourent, certains traînant avec eux des fardeaux qui sont des choses merveilleuses. Le Monde défile sous ma fenêtre et mon orgueil en est immense. Quant au tumulte qui sort de ce Trottoir, je ne le hais point. J’aime le bruit que fait l’effort des hommes ; j’aime la chanson des marteaux, le remuement des