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Page:Leroyer de Chantepie - Chroniques et Légendes.djvu/19

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Depuis deux ans, Marguerite, au désespoir, dévorait ses chagrins en silence ; bien souvent elle avait regretté le temps où elle vivait tranquille sous la protection de son premier époux, et davantage encore les années qu’elle avait passées dans la solitude du cloître.

Ces cruelles pensées furent tout à coup interrompues par un événement qui porta la terreur dans toutes les familles.

Ce fut l’invasion de la peste noire, qui fit d’effrayants ravages en Anjou. Ce fléau, qui n’était autre que le choléra, ne tarda pas à se déclarer à Château-Gontier ; Marguerite, qui n’attachait aucun prix à la vie, se dévoua courageusement aux soins des malades, souvent abandonnés par leurs parents et leurs amis. L’amour qu’elle portait à son mari se réveilla avec plus de force que jamais, et dans son exaltation, elle offrit à Dieu sa vie en échange de la sienne.

On vit en ce moment bien des preuves d’ingratitude et de cupidité, souvent l’égoïsme et l’amour effréné de la vie l’emportèrent sur les plus chères affections. Bien peu de malades échappaient à la contagion ; les prêtres et les médecins osaient à peine remplir leur pénible devoir.

Au milieu des angoisses et des scènes de désespoir dont elle était entourée, Marguerite restait calme et résignée. Cependant le malheur qu’elle redoutait arriva, Jean fut atteint de la contagion, mais grâce à sa jeunesse et au dévouement de Marguerite, qui veilla constamment à son chevet, il échappa à la mort et recouvra la santé.

La reconnaissance, que lui inspira la conduite de Marguerite, ranima d’abord son amour, et, pendant quelque temps, Marguerite put espérer d’avoir reconquis le cœur de son époux.

Quant à Zéphyrine, elle avait quitté Château-Gontier dès le commencement de l’épidémie, sans s’inquiéter de savoir si Jean était mort ou vivant.