Page:Leroyer de Chantepie - Chroniques et Légendes.djvu/20

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En comparant cette indifférence avec le dévouement de sa femme, il ne put s’empêcher de rendre justice à cette dernière. Malheureusement, l’affection si constante de Marguerite était un reproche de son inconstance, et comme cela arrive ordinairement, il lui pardonnait moins ses propres torts que ceux qu’elle aurait pu avoir envers lui.

Il était dans ces dispositions, lorsqu’il reçut une lettre de Zéphyrine, qui était à Paris, et le rappelait près d’elle.

Cette lettre, pleine de tendresse, ranima sa passion ; il sentit qu’il regrettait Zéphyrine ; il excusa son départ précipité, et s’aperçut qu’il ne pouvait vivre sans elle. Pourtant il hésitait à s’éloigner, effrayé des suites de ce parti décisif.

Ce fut alors que l’épidémie, qui avait complètement disparu de la ville, se déclara à l’abbaye du Duron ; elle fut d’autant plus terrible que sa situation près de la rivière la rendait plus accessible à la contagion.

L’abbesse fut atteinte une des premières, et Marguerite, en l’apprenant, s’empressa d’aller donner des soins à celle qui avait élevé son enfance et dont elle était la fille adoptive. Malgré ses soins et ses veilles, Marguerite ne put sauver l’abbesse, qui succomba, ainsi que la plupart des religieuses, à l’exception de deux vieilles femmes presque aveugles.

Pendant ce temps, Jean, qui n’était plus retenu par la présence de sa femme, s’était hâté d’aller rejoindre Zéphyrine.

En l’apprenant, Marguerite comprit que le cœur de Jean lui était aliéné pour toujours, et qu’il était perdu sans retour.

Le départ de Jean, qui eût attiré l’attention et le blâme dans tout autre temps, passa inaperçu.

Il en fut de même de la mort de Marguerite, dont le bruit se répandit peu après dans la ville.

En apprenant la mort de sa femme, Jean revint à Château-Gontier, il se reprochait alors cruellement son lâche