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abandon, mais il était trop tard pour réparer des torts que la mort rendait désormais irréparables.

Comme Marguerite n’avait que la jouissance des biens de son mari, Jean n’hérita que de sommes assez considérables qu’elle lui avait léguées.

Il retourna à Paris où Zéphyrine ne tarda pas à le ruiner complètement.

Il eut alors tout le temps de regretter le bonheur d’une union qu’il avait si cruellement rompue. Dévoré de chagrin et d’ennui, incapable de se créer une nouvelle existence, abandonné à son tour par Zéphyrine, il survécut peu à la perte de sa fortune.

Plusieurs années s’étaient écoulées, on ne se rappelait plus de la peste que comme d’un rêve affreux, à demi effacé par le temps. La population de Château-Gontier, si cruellement décimée, s’était promptement renouvelée, les places vides avaient été remplies et les morts étaient oubliés. Maintenant ceux qui leur survivaient foulaient d’un pied indifférent le gazon fleuri qui les recouvrait. L’oubli, ce dernier linceul des morts, s’était étendu sur le souvenir du passé.

Près d’un demi-siècle s’était écoulé, l’abbaye du Buron s’était repeuplée comme le reste de la ville, et une nouvelle génération de religieuses avait succédé à la précédente.

Quoiqu’on n’eût jamais la certitude de la mort de Marguerite, qui n’avait été constatée par personne, on ne doutait pas qu’elle eût succombé à l’épidémie.

Ce fut donc avec une extrême surprise qu’on apprit qu’une religieuse morte en odeur de sainteté et presque octogénaire n’était autre que Marguerite Davenel.

On prétendait que la nouvelle abbesse connaissait seule son secret, et qu’il fut divulgué, quand la religieuse chargée de l’ensevelir, trouva l’anneau qu’elle portait à son cou, et qui renfermait son nom et celui de Jean Davenel.