Aller au contenu

Page:Leroyer de Chantepie - Chroniques et Légendes.djvu/57

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

non pour me rendre à notre habitation, mais pour aller au cercle, où je jouai toute la nuit comme un désespéré. Malgré mes nombreuses distractions, la fortune me fut favorable, et je revins, vers la fin de la nuit, après avoir gagné des sommes considérables. Quelle fut ma surprise en rentrant chez moi d’apprendre qu’Azélie n’y était revenue que depuis une heure, il était évident qu’elle avait été au bal, et mes soupçons, un instant écartés, ne connurent plus de bornes. En proie au plus cruel tourment de la jalousie, j’entrai sans bruit dans la chambre d’Azélie, elle dormait profondément ; sa robe de bal était négligemment jetée sur le parquet. Je la contemplais silencieusement dans son sommeil, et mon cœur fut profondément attendri. J’allais tout oublier et lui crier que je l’aimais toujours, lorsqu’elle murmura dans un rêve le nom du comte avec l’expression d’un tendre souvenir. En entendant ce nom détesté, je fus saisi d’une fureur qui m’ôta la raison, et, dans un accès de jalousie, je saisis mon poignard pour en frapper Azélie ; puis, tout-à-coup, je le rejetai loin de moi dans un mortel effroi.

À partir de ce moment, je n’eus plus conscience de mes actions, je m’enfuis désespéré, et j’errai jusqu’au matin dans la campagne. Toutefois, je fus ramené vers mon hôtel par un sentiment instinctif. Je ne savais plus rien de ce qui s’était passé, et je croyais avoir fait un rêve affreux.

Ce fut donc avec une vive surprise que je trouvai ma demeure envahie par une foule nombreuse, qui à ma vue poussa des cris de mort et de vengeance, en m’appelant assassin. Je ne comprenais rien à tout ce qui se passait autour de moi, on m’arrêta, on m’entraîna vers la chambre d’Azélie, on me fit approcher de sa couche, où son immobilité me fit croire d’abord qu’elle dormait ; mais, hélas ! combien cette erreur fut de courte durée, et comment dépeindre la douleur et l’effroi dont je fus saisi à