Page:Les Œuvres libres, numéro 13, 1922.djvu/174

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sité de discuter les idées traditionnelles qu’on lui avait inculquées et les règles de conduite qu’il faut suivre. Or, il est évident, bien que sous-entendu, qu’un jeune homme, et surtout un officier, et singulièrement un officier de cavalerie, le monde lui appartient ; il peut y faire, comme on dit, les quatre cents coups, mais il ne touchera pas aux jeunes filles. Les jeunes filles, on les épouse, mais on ne s’amuse pas avec elles. Ces commandements de la morale qui a fait la force de notre pays y sont, grâce à Dieu, respectés aujourd’hui, et pour longtemps encore, je l’espère.

Aussi la présence de ces jeunes filles ne laissait-elle pas que d’inquiéter notre lieutenant. Alexandre Naudin pensait avec Leibnitz, qu’il n’avait jamais lu, que toutes choses sont réglées pour le mieux dans le meilleur des mondes, que les jeunes filles sont faites pour devenir des femmes légitimes, que les jeunes femmes ont des enfants et deviennent du coup sacrées et que pour les plaisirs naturels des hommes il est une classe de femmes, nombreuse, variée, où l’on peut exercer sans scrupule de conscience le droit de choix. A trente ans, je le sens bien, Alexandre Naudin qui n’est pas un nigaud aura fait quelques pas de plus et compris des choses qui lui échappent encore. Mais quoi ? Il n’a que vingt-quatre ans au moment où cette histoire commence et finit.

Il hésitait donc à aborder ces jeunes filles qui lui souriaient pourtant avec sympathie. Sous le feu de leurs regards, il brûlait, mais n’osait déclarer sa flamme. Vingt fois, il fut sur le point de se décider ; vingt fois il recula. Cependant, il se promenait dans les allées éclairées, bombant le torse, tendant le mollet. Pour mettre le comble à son malheur, les jeunes filles étaient toujours par groupe de deux, de trois ou de quatre. En eût-il trouvé une isolée, peut-être l’aurait-il pour¬