Page:Les Œuvres libres, numéro 13, 1922.djvu/175

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suivie. Mais on voit la difficulté qu’il y a à entrer en conversation avec plusieurs jeunes filles, riantes et moqueuses, surtout lorsqu’on ne parle pas couramment leur langue, malgré les excelentes leçons de M. Paul Boyer.

Il passa ainsi une soirée délicieuse et tourmentée et, l’âme pleine de regrets, il quitta le jardin de la ville pour passer une nuit agitée dans son médiocre lit d’hôtel.

Le lendemain matin, il prenait place à la première heure dans une des nombreuses automobiles assurant le service entre Vladicaucase et Tiflis par la fameuse route militaire de Géorgie qui franchit la chaîne du Caucase.

La beauté des sites traversés, leur variété, leurs contrastes ramenèrent la paix dans l’âme de notre voyageur. Il chemina d’abord dans les gorges au fond desquelles coule le Terek mugissant. Il admira sur un roc élevé dominant la rivière, les ruines du château de la reine Tamara d’où l’on précipitait au matin dans les eaux écumantes les voyageurs dont cette femme altière avait bien voulu faire ses amants d’une nuit.

Après deux heures et demie de montée continue, et après avoir traversé la passe fameuse du Dariel, l’automobile arriva à la première étape, à la station de poste du Kasbek ou un déjeuner était préparé. Alexandre Naudin mangea de grand appétit des écrevisses péchées dans les torrents glacés des montagnes ; on lui servit du vin capiteux de Kachétie et, en attendant le départ de la voiture, il fuma une cigarette en face du pic volcanique du Kazbek qui élève à plus de cinq mille mètres dans les airs ses neiges éternelles et ses rocs où fût enchaîné Prométhée. Il se sentait plein d’allégrese et se félicitait d’avoir suivi le conseil de son camarade de Moscou qui l’avait envoyé au Caucase. Les heures