Page:Les Œuvres libres, numéro 13, 1922.djvu/176

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passées au jardin de la ville à Vladicaucase paraissaient lui promettre dans un avenir prochain des félicités sans pareilles et ce fut de la meilleure humeur du monde qu’il poursuivit son voyage en automobile à travers les régions sauvages et grandioses de l’Ossétie.

Après une heure et demie encore de montée, ils atteignirent le sommet du col, la passe Krestovski, qui est à près de deux mille cinq cents mètres, et, avec la longue descente sur Tiflis, ce furent de nouveaux enchantements. Comme par miracle, le paysage changea en un clin d’œil. Plus de gorges serrées, mais de vastes étendues. Un large panorama s’ouvrait devant les yeux ravis de notre lieutenant. Dans cette marche rapide vers le sud et les pays brûlés de soleil, la végétation devenait à chaque instant plus riche. Des souffles tièdes et parfumés passaient dans l’air et les noms mêmes des villages traversés, Passanaour, Ananaour, avaient quelque chose, de voluptueux.

Vers les quatre heures, Alexandre Naudin aperçut, dans le lointain, tapie dans une vallée aux flancs rocheux et dénudés une grande ville au-dessus de laquelle flottait une buée. C’était Tiflis.

Il n’y arriva qu’à six heures. La chaleur : était grande encore ; il était couvert de poussière et meurtri par les cahots, de la route. Il descendit à l’hôtel de Londres, au bord de la Koura.

Il était dans une telle fièvre de jouir rapidement de la vie caucasienne qu’il porta, le soir même, la lettre de recommandation qui lui avait été remise pour l’officier d’ordonnance du vice-roi et il eût presque un accès de désespoir lorsqu’il apprit que cet officier, Ivan Iliitch Poutilof, était pour trois jours encore aux eaux de Bor- jom. Il lui semblait qu’il ne rattraperait jamais ces trois jours perdus, car notre ami Alexandre