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antoine déchainé

fait, réplique le régisseur. Moi, j’admire Antoine, parce qu’il ne fait jamais ce qu’il dit. Antoine s’échauffe, se monte le bourrichon, et gueule qu’il veut ceci et rien que ceci ! Après quoi, on lui trouve cela. Il suffit de le lui dire en le regardant dans les veux. Il se calme brusquement et dit : « Parfait ! C’est cela que j’avais demandé ».

— Au surplus, reprend l’opérateur, on peut lui avoir son balcon… ailleurs. On le fera sceller. C’est une affaire de galette. Qu’on la dépense à ça ou à autre chose…

— Puissamment raisonné ! dit le régisseur.

— Seulement, j’en ai chaud ! dit l’opérateur.

— Allons boire dit le régisseur.

— Allons, dit l’opérateur. Et tutu pan pan ! Et zou la rigolade !

— Nom de Dieu ! s’écrie tout à coup le régisseur.

Il a pris le ton d’Antoine et il stoppe brusquement.

— Quoi ? fait l’opérateur.

— J’ai oublié son eau de Vittel !

Une voiture passe. Il fait signe. Il dit au cocher :

— Au Forum, dare dare !

Mais le cocher est un méridional pas pressé, au visage comme un ciel d’été, constellé d’étoiles. Taches de rousseur : le soleil parbleu, qui n’est jamais pressé non plus ! L’homme se retourne lentement sur son siège et demande :

— Va-t-on directement, pu bien par les remparts ?

— Mais oui. Ce n’est guère plus long ! Bonne idée, dit l’opérateur.

Alors, au petit pas du cheval qui s’émouche, nous faisons le tour de la ville. Il y a sous les platanes du cours extérieur des troupeaux de moutons qui somnolent serrés, près de leurs bergers, de leurs chiens, de leurs mules, lesquelles portent les tout petits agnelets. Le cocher se tourne en-