Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/173

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— Mais vous, vous, monsieur Sigerier ?... me questionna alors malicieusement Rolande.

Le paradoxe m’était un amusement familier. Je m’y engageai à fond, goûtant d’avance l’effet qu’il allait produire sur ma maîtresse :

— Moi ?... chère madame... moi, j’hésite un peu, pour une raison qui n’a rien à voir avec la raison — le cœur de Rolande devait entendre qu’il était question d’elle — mais, si j’écarte cette considération personnelle, il m’apparaît que le sexe faible est de beaucoup le privilégié dans le partage de la vie. En vérité, on n’est jamais content de son lot ; mais, je vous le demande, quelle plus agréable manière de traverser notre court passage ici-bas que d’y être la créature choyée, adulée, fêtée ; de n’avoir à songer qu’à soi alors que toutes les charges et les soucis sont réservés à l’homme ? Les femmes invoquent leur faiblesse : mais elle est précisément leur force ! Un sourire qui découvre de jolies quenottes, pique des fossettes au menton, est plus puissant que le bras armé d’un glaive valeureux ; et les conquêtes des hommes, à quelque domaine qu’elles s’étendent, n’ont jamais abouti qu’à servir les femmes !

— Exemple : le code ! protesta la baronne. Puis, enflant la voix :

— Le code a été fait par les hommes et pour les hommes. Il n’est de pire organe d’esclavage. Il asservit entièrement la femme !

— Et c’est une chance pour elle, madame — attention ! j’allais lui dire : monsieur — c’est une chance ; car si la contrainte morale n’existait pas, la femme aurait-elle la joie de goûter au fruit défendu ? Tout le secret du bonheur est là : vaincre la difficulté... Ce qui, la plupart du temps, désunit les époux, c’est précisément que la loi leur assure la tranquillité, l’harmonie ; et vous verriez souvent ces deux mêmes êtres, qui se dé-