Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/191

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

ou, pour parler plus justement, la femme était assez entrée dans ma peau, pour que j’acceptasse de me laisser habiller par une de mes pareilles... Elle y déploya, du reste, une maladresse surprenante, en souriant tristement.


III


Je quittai la clinique sans revoir le professeur Tornada, sans rencontrer non plus âme qui vive. Tout l’établissement semblait désert. Je retrouvai facilement ma route à travers le parc, j’atteignis la petite porte qui s’ouvrit automatiquement devant moi, je sortis, je longeai à nouveau l’importante façade. J’étais sur le boulevard qui borde Auteuil.

Ah ! cette première reprise avec la vie extérieure ! ... La nature ne souriait pourtant guère. Nulle parure aux arbres, un ciel remuant de vilains nuages, un sol boueux... Et pourtant, je regardais éperdument le libre espace, je humais à longs traits l’air humide. Mais l’impérieux besoin de rentrer chez moi fut le plus fort et, ne trouvant point de voiture, je gagnai la station voisine des tramways d’Auteuil-Madeleine. L’un, justement, allait partir. Je montai, je m’installai.

Je devins aussitôt l’objectif des messieurs qui s’y trouvaient. C’est une impression assez curieuse que de recevoir les hommages d’une admiration discrète, dont on n’a jusqu’à présent été que le pourvoyeur. J’en ressentis quelque plaisir. J’observai les lecteurs jetant par-dessus leur journal des regards incessants, abandonnant pour me contempler l’intérêt de l’information. L’un d’eux, un gros, dont le ventre ballottait à chaque