Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/198

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moi-même ; vous pleurez et je dois assister dès l’abord à votre chagrin !... Dites-moi, oh ! dites-moi ce qui vous trouble à ce point ; peut-être aurai-je la bonne fortune de pouvoir vous consoler.

Mais elle se reposséda aussitôt et, se tamponnant les yeux d’un mouchoir en dentelles que je connaissais bien, car c’était moi qui le lui avais offert :

— Excusez-moi... je suis un peu nerveuse depuis quelque temps... plus tard, peut-être, vous confierai-je... mais pour l’instant, sachez bien que je ne suis accourue ce matin que pour m’inquiéter de vous, comme m’en avait prié votre frère.

C’est à ce moment que je commençai à apprécier la rouerie qui mène le cœur des femmes éprouvées par l’amour. Elle accourait, disait-elle, pour ne s’occuper que de moi, femme, et elle n’allait en réalité parler, agir, proposer, concerter que pour conduire une enquête sur moi, homme. Pauvre cœur ! la pouvais-je blâmer de sa ruse, qui n’était au fond qu’un hommage à l’amant que j’avais été ; et qui donc, pour défendre une grande passion, muserait du mensonge ?...

— Ah ! fis-je, mon frère vous avait prié...

— Oui, dans une lettre que j’ai reçue de lui.

— Vous le connaissiez donc beaucoup, pour qu’il vous écrivît ?

—y Nous étions en relations assez suivies. Mon mari tout particulièrement lui portait beaucoup d’amitié... aussi son départ en coup de vent, sans prévenir personne... non, personne... nous a-t-il fort surpris. Dites-moi, est-ce concevable qu’on disparaisse ainsi, sans avertir d’un peu plus près ses meilleurs amis ?... Il a envoyé la même lettre à toutes ses relations.

— À toutes ?

— À toutes, dans les mêmes termes... comme une circulaire, un prospectus.