Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/199

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— Possédez-vous cette lettre ?

— Non... mon mari l’a gardée... Elle exprime laconiquement qu’il part pour recueillir une succession aux Indes... Aux Indes ! Il ne nous avait jamais dit qu’il y eût de la famille... et il nous annonce votre arrivée à Paris, en nous priant de vous bien accueillir.

— Je suis heureuse, rèmarquai-je. que Georges vous ait depuis longtemps parlé de moi...

— Depuis longtemps... affirma-t-elle.

— Cela me prouve que notre séparation ne nous avait pas désunis, qu’il ne cessait de s’inquiéter de moi.

Et j’insistai :

— Alors, il vous parlait de moi ?

— Souvent, souvent !

Et, s’enferrant dans son mensonge :

— Il m’avait même laissé soupçonner vos fiançailles.

— Mes fiançailles ! sursautai-je.

— En vérité, pas catégoriquement... Il m’a plutôt averti... sans nommer, sans préciser... C’est sa lettre seulement qui nous a appris qu’il s’agissait du comte de Lieuplane.

L’annonce de mon mariage avec le personnage qui m’avait fait présenter sa carte la veille dut imprimer à mes traits une certaine expression tragique, car Rolande perdit son assurance de petite menteuse candide et m’examina avec une certaine inquiétude. Quant à moi, cette extravagante nouvelle, par quoi se développait, s’amplifiait la fantaisie de Tornada, selon un plan dont je commençais à soupçonner l’intérêt scientifique — ne m’avait-il pas dit : vous êtes vierge, mais c’est bien votre tour, la maternité ne vous sera pas épargnée — quant à moi, cette nouvelle me révoltait. Ainsi donc, je n’étais pas débarrassé du sinistre opérateur. Libre, je continuais à demeu-