Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/202

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cœur en désarroi ! Car je comprenais son anxiété, au souvenir de mes propres émois.

Alors, je versai le souverain calmant :

— Vous vous trompez, madame. Il y a beaucoup moins de roman dans la vie de mon frère. Il ne me confiait certes pas ses fredaines, mais je peux vous affirmer qu’il n’en faisait guère ; et vous m’étonnez beaucoup en me déclarant qu’il manœuvrait pour s’attirer l’admiration des femmes, car il était hostile à ces façons d’agir. Il avait, cela je le sais, une liaison sérieuse ; mais il se fût bien gardé de la compromettre par un coup de tête. Et si, comme vous vous l’imaginez, il prenait jamais le parti, toujours très grave, d’arracher celle qu’il aime à son foyer, croyez bien que ce ne serait qu’après mûre réflexion, et avec la volonté formelle d’offrir sa vie en dédommagement.

Je faisais cette déclaration de principes d’un ton solennel qui devait contraster avec le spectacle frivole que j’offrais : mon kimono, mon bras nu, mes cheveux épars. Elle n’en goûta pas le piquant. Elle buvait mes paroles comme un philtre, renversée sur son fauteuil, les yeux clos.

— Du reste, continuai-je, je peux vous affirmer qu’en la circonstance il ne m’est pas permis de songer à une folie de Georges. Son voyage est exclusivement commandé par des raisons d’intérêt...

Et j’ajoutai, par une inconsciente obéissance aux recommandations de Tornada, et pour donner une apparence de plausibilité à la survenue dans le monde de la demoiselle que j’étais :

— Oui, les mêmes raisons qui nous ont jusqu’à présent séparés, et qui ont fait que pour beaucoup, sinon pour vous, on ignorait mon existence...

— Puis-je les connaître ?

— Les connaître... hésitai-je.

À l’aide ! grand Courteline...