Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/210

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clamer à ma banque. Mais voilà bien une autre histoire qui inaugurait mes complications sociales : on fournirait le peintre Georges Sigerier, et on refuserait à sa sœur inconnue !

— Allons donc au Crédit du Nord, décidai-je, d’autant que j’y dois une signature. Comme me l’avait fait pressentir Robert, ma visite était prévue dans l’important établissement. On m’introduisit de suite dans le box d’un employé supérieur, qui me salua de belles révérences, me réclama quelques paraphes et me demanda si j’avais besoin d’argent.

— Certainement. Combien ai-je à mon compte ?

— Deux millions liquides, qu’il serait sage de ne pas laisser dormir.

Deux millions !... Ah ! Mais, cela commençait à devenir intéressant. Leur provenance ne faisait pas de doute. Tornada était le pourvoyeur. Il gagnait des sommes folles et vivait en ascète. Il n’avait fait que solder ses extravagances opératoires, dont j’étais le sujet expérimental. Mais deux millions c’était un chiffre ; et je me demandais combien de citoyens, à ce prix, résisteraient à un changement de sexe...

— J’annule cette procuration... fis-je aussitôt. Versez-moi un million et préparez un projet pour le placement de l’autre, en valeurs de mère de famille.

La langue m’avait fourché., mais l’employé n’était effaré que de mes dispositions.

— Vous emportez un million !... en un chèque ?

— En billets.

Le paquet était d’importance. Je le transportai à ma maison de banque, où il fut accueilli sans difficulté à mon compte.

Allons ! j’aurais de quoi me passer des caprices, et l’avenir était moins sombre. Du reste, mon art ne me restait-il pas ? N’aurais-je pas en lui la suprême ressource et la souveraine consolation ?...