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IV


Cela tenait du prodige ! Je me trouvais quelque temps plus tard, femme, dans le salon où, homme, avait débuté mon extraordinaire aventure. J’étais assis tout à côté de Rolande. Notre amitié récente, sa protection, permettaient qu’elle me gardât la main dans les siennes. Il y avait autour de nous les mêmes personnes qu’au dîner précédent : un cercle de femmes, parmi lesquelles la douce madame Chabrol, la tonitruante baronne des Illeuls — celle-ci toujours en tenue masculine — et Mlle Férette, et la belle cantatrice Savari, jabotant oiseusement, tandis qu’au fumoir voisin les messieurs achevaient leur cigare. On entendait, par bouffées, arriver leur discussion, qui roulait sur ce même sujet du transformisme où je m’étais montré d’un regrettable parti pris. Successivement nous parvenaient le bon sens de M. Chabrol, l’ironie de M. Variland et la tempête de Tornada. Car il était là, le monstre ! il avait été mon voisin de table, mais n’avait pas desserré les dents pour moi, négligeant même de me regarder, comme si je n’eûsse pas existé. Par contre, mon autre voisin, le compositeur Rimeral, s’était montré des plus galants, voulant me reconnaître de la voix, insistant pour que j’en allasse faire l’essai chez lui, me promettant de composer pour moi, tout un manège qui me valut, de la part de Mlle Savari, des regards qui me poignardaient.

Un seul hôte absent : Georges Sigerier ; un seul hôte nouveau : Robert de Lieuplane.

Sur Georges Sigerier on n’avait en général tenu que des propos bienveillants. Dans certains milieux du monde parisien, ce n’est pas être trop