Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/214

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— Eh bien, Georgette, questionna-t-il, on est contente de son sort ?

— Oui, maître.

— On a gentiment accueilli le fiancé ?

— Oui, maître.

— Et les deux millions !

— Aussi, maître.

— Alors, tout va bien. Soyez heureuse, ma fille.

Il se retira, à l’anglaise. Je me sentis aussitôt dégagé. Mais Rolande avait suivi cet aparté avec une inquiète curiosité. Elle m’attira à part, me redonna la bienfaisante caresse de sa main, comme si elle savait qu’elle avait à me consoler.

— Georgette, que vous a dit cet homme ?

— Rien de particulier, Rolande.

— Il m’effraye !... J’aurais voulu ne pas l’inviter ce soir ; mais mon mari y a tenu... je ne sais pourquoi, je redoute pour vous sa présence... ne vous confiez jamais à ses soins, surtout !

— Je n’ai aucune raison, Rolande. Je suis tout à fait bien portante.

— Les invités s’en vont... votre fiancé fume sa pipe avec mon mari... Venez, nous allons pouvoir causer de votre frère.

À la joie qui l’éclairait, je conçus que ma récente lettre envoyée à Bombay par une agence et renvoyée de là-bas en France, lui était parvenue poste restante. Elle devait l’avoir apprise par cœur, sans doute avant de la détruire, car elle me resservait involontairement des expressions que j’y avais mises, en parlant des coutumes locales, de la beauté des femmes, de l’imprévu des décors. Tout cela, je l’avais copié dans le Larousse.

— Il doit être arrivé, n’est-ce pas ; et je le vois en train de s’extasier devant les merveilles des styles dravidien ou chaloukya ; ou encore prenant le croquis d’une silhouette de quelque femme du Deccan, de si noble stature, paraît-il...