Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/218

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aussi bienveillants que moi. Il a certainement ses petits côtés, ses défauts... Qui n’en a ?

— Vous !... affirma-t-elle, en me donnant un baiser. Quant à votre Georges, vous ne le vanterez jamais trop. Non, votre admiration pour lui n’est pas excessive. Heureuse sera la femme qu’il distinguera au cours de son voyage... et, s’il a laissé une amie à Paris, eh bien, véritablement, je la plains.

Sa voix, son visage exprimait sa détresse ; jamais ferveur de femme pour le souvenir d’un amant ne s’était aussi vivement trahie... Ah ! misérable instabilité, et comme il faut se garder d’exiger l’absolu !... Un personnage qui entrait pour venir prendre congé d’elle dérouta subitement l’enthousiasme que j’en éprouvais.

C’était le compositeur Rimeral. Bel homme, élégant, portant aux yeux une flamme qui eût pu passer pour de l’inspiration si sa musique en avait contenu, secondé au surplus par l’auréole d’une gloire facile, il avait grande action sur les femmes et ne se privait pas d’en user. Ses assiduités auprès de Rolande avaient déjà été, à plusieurs reprises, l’occasion de querelles entre nous. Celle-ci avait fini par les redouter au point d’éviter, dans ses rapports avec ce bellâtre, tout ce qui pouvait porter atteinte à ma susceptibilité. Sans l’écarter de son salon, elle n’avait plus donné prétexte à ma jalousie. Eh bien, en le voyant cette fois paraître, ses traits se rassérénèrent subitement, la coquetterie provocatrice l’emporta sur le drame intérieur. Elle se leva d’un bond, me plantant là pour aller causer avec lui. Je les entendis projeter une tasse de thé, dans l’intimité, afin qu’il pût lui jouer les bonnes pages de sa prochaine opérette, un succès certain, affirmait-il.

Et cet homme était l’amant de la dugazon Savari, il se ruinait pour elle, et Rolande le savait !