Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/223

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— Vous aimez ce poète ?

— Je le connais peu...

— Alors, pour m’en réciter une phrase, il faut qu’on vous l'ait apprise.

— Évidemment...

— Dans des circonstances semblables... Lorsque vous-même vous veniez vous offrir, en aussi simple appareil, à l’admiration de quelqu’un qui vous aimait ?

— Évidemment...

— Qui, cela ?

— Ne suis-je pas mariée ?

— Si mal, Rolande... avec un homme qui doit ignorer cette musique !

— Mais non... mais non.

Allons ! nous n’étions pas encore assez intimes. Elle gardait sa façade... et j’en ressentis, pour elle, une fierté. Je me rhabillai et nous partîmes.

Les jours suivants, plusieurs événements s’opposèrent à nos rencontres. Je fus d’abord pris d’une fièvre de travail comme il m’en survenait en mes temps virils. Une véritable fièvre, où je m’exaltais, où mon œuvre seule me hantait, où il me fallait, comme au malade, la solitude pour passer mon mal. Transport nerveux de bon augure, qui me rendit confiance en mon destin et m’inspira que je trouverais toujours en moi-même de quoi parer aux mécomptes, de quelque nature qu’ils fussent. Tout mon effort se concentrait sur mon portrait masqué, et j’eus l’étrange ambition de le proposer à l’admiration des foules. On approchait du Salon ; il était temps encore pour que j’y envoyasse ma toile : je fis les démarches nécessaires. Elles me furent facilitées par un état civil qui me survint un beau matin sous pli recommandé. Par quel subterfuge Tornada, car ce ne pouvait être que lui, m’avait-il fait inscrire sur les registres de la mairie de mon pays natal ? Comment avait-il trouvé des répondants