Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/225

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par un client, sans que cela ait, de part et d’autre, autrement d’importance. Nous vivions donc, semblait-il, dans une parfaite indifférence physique. Et, pourtant, je m’émouvais de ses disparitions. En vain tentais-je de me raisonner ; en vain me reprenais-je à ses défauts, à sa vulgarité, à son âpreté, qui me le rendaient indésirable ; en vain me persuadais-je qu’une fois en ménage ce manque total d’attirance tournerait vite à l’aigreur, et même à la haine : et je ne pouvais cependant supporter l’idée qu’il se risquât à une autre aventure d’amour, que ses fugues dépendissent d’une autre recherche que la mienne. Ce n’était pas de la jalousie : c’était autre chose d’inexplicable, comme une atteinte à mon instinct de propriété : la dépossession en faveur d’autrui d’un bien qui m’appartenait.

Cette fois, son éclipse se prolongea outre mesure. Au cinquième jour, je n’y tins plus, je me mis à sa recherche. Je courus à son hôtel : on ne savait rien de lui. À son garage, même ignorance ; et l’auto, au surplus, avait disparu avec lui. M’adresser à sa famille, à ses amis, l’idée m’en vint, naturellement ; mais, sur ce point comme sur les autres, je ne savais rien de lui, pas plus que lui de moi. Nous ne nous étions jamais souciés de nous donner les premières instructions de ceux qui vont fonder un foyer. Alors quoi ? m’adresser à la police ?... Je répugnais à ce genre d’inquisition, qui fait de vous la vedette des journaux, la proie des reporters. Voyez-vous ça, au moment où j’allais, sous une autre forme, triompher au Salon, voyez-vous ça, que l’auteur de la Femme au masque s’imposât aussi à la notoriété par un scandale ! Ah ! non, les bons confrères seraient trop heureux de noyer l’astre qui se lève !... Alors, je pensai à retrouver Tornada, en dépit dé la crainte que m’inspirait ce personnage, à me renseigner par lui. Il avait jeté