Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/226

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Robert dans ma vie, il me l’avait imposé : nul doute qu’il l’entourât comme moi d’une sollicitude, d*une obscure bienveillance qu’il ne manifestait pas, mais dont je pressentais la constance.

Ce jour-là — c’était précisément la veille du vernissage — Rolande vint me cueillir au Grand-Palais. Nous devions aller à un essayage, passer ensuite chez Fouquet, le bijoutier, où je faisais transformer un collier. J’aimais remuer avec elle les chiffons, lui donner des avis, en recevoir, m’éprendre sous sa suggestion d’un bijou, que je rejetais ensuite avec la même inconstance frivole que la généralité des femmes.

Dès que je vis paraître mon amie, sans remarquer qu’elle était aussi soucieuse que moi, mon inquiétude déborda :

— Je ne sais ce qui se passe... voilà cinq jours que je suis sans nouvelles de Robert... c’est inconcevable ... et je me demande vraiment...

— Je ne croyais pas qu’il vous manquât à ce point, fit-elle, avec amertume. Mais que peut-on prédire de l’amour !... Tel être qui vous semblait ne devoir jamais entrer dans votre cœur s’en révèle soudain le maître, et c’est votre cas avec M. de Lieuplane...

— Vous vous trompez, Rolande...

Mais elle ne me laissa pas protester :

— Tandis que tel autre, en qui l’on avait placé toute sa foi, tout son avenir, et qui jusqu’alors avait répondu à vos sentiments, se révèle, à la première absence, le cœur le plus lointain, le plus parfaitement étranger, à croire que rien ne s’est jamais passé entre vous...

— Et c’est votre cas avec ?...

— Avec personne, fit-elle, farouchement.

Elle attendait depuis deux semaines une lettre de moi. Plus encore pour connaître l’exacte profondeur de sa passion que pour la punir de ses coquetteries avec Rimeral, j’avais résisté à