Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/228

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dans les atours d’un doge vénitien, évoquant pour elle les folies et peut-être les mêmes drames de la mascarade italienne. Elle ne poussa toutefois pas ses aveux jusqu’à me révéler nos communions physiques ; et je lui sus gré, en cet instant, de n’avoir point profané ces souvenirs sacrés.

— Et voilà, acheva-t-elle, vous savez tout. Il vous reste maintenant à être aussi loyale que moi, à me répondre sans détours à la question que je vous ai déjà posée : quelle est la vraie raison du départ de Georges et pourquoi s’abstient-il de me câbler de temps en temps pour me rassurer ?

Je répondis comme il convenait, en calmant ses alarmes ; et son cher bras me serrait plus fort à chaque nouvelle raison que je trouvais pour la rassurer.

— Ah ! que vous me faites du bien !... que je suis heureuse maintenant d’avoir mieux que mon piano à qui confier mes tourments... La musique me consolait pourtant... Mais vous, vous, ma grande chérie !... vous, sa sœur... vous presque lui-même !...

Presque, en effet... réfléchissais-je, avec une amère ironie, en un de ces retours sur mon état que l’invraisemblable acceptation de mon sort ne me ménageait pas, à mon sens, assez souvent.

Mais le hasard est source d’enseignements imprévus, et ce qui survint presque aussitôt après la confidence de Rolande me démontra qu’il subsistait en moi au moins l’énergie d’une résolution virile. Nous étions arrivés dans notre promenade jusqu’à la place de l’Alma ; de là nous avions obliqué pour revenir, et nous traversions la rue Marbeuf, lorsque soudain j’aperçus une auto singulièrement semblable, de couleur et de forme, à celle dans laquelle Robert m’avait à tant de reprises transporté. Oui, c’était bien sa torpédo blanche, avec la couronne comtale. Elle sta-