Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/233

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pour voir. Encore plus pour se faire voir. Et Dieu sait ce qu’elle montre.

C’était la réflexion qu’une fois de plus, avec Rolande, nous nous fîmes, en pénétrant, vers trois heures, sous la verrière immense. Nous avions comme cavaliers son mari et mon fiancé. De parti pris nous les laissions en arrière et pressions le pas vers le grand escalier, en contournant les morceaux de sculpture. Nous avancions, pareilles à deux reines, dans la compacité des gens, qui s’écartaient, éblouis, pour nous laisser passer : elle, encore rendue plus blonde par le mirage azuré de son regard ; moi, évoquant par ma stature altière, par ma démarche fière et souple, par mes téguments ardents, ces splendides créatures d’Orient dont on dirait que le corps est devenu le tabernacle du soleil. J’avais, pour ce second début dans la gloire, adopté une tunique d’or me dessinant à merveille ; mes cheveux, maintenant développés, étaient ramenés en deux coques sur les oreilles ; un peu de poudre ocre à mes joues avivait encore, par contraste, mes lèvres aux tons de grenade ; un seul pendentif, fait de deux grosses gouttes de rubis, saignait sur ma gorge jusqu’à la naissance des seins. L’impression que nous produisîmes fut telle que nous recueillîmes, à un moment, un de ces éloges qui comptent dans une vie de femme : l’exclamation stercoraire d’un rapin qui allumait sa pipe. Même, d’émerveillement, il en oublia de souffler sur son brandon et se brûla les doigts.

— Il me semble, fis-je à Rolande, que nous faisons sensation.

Elle ne répondit pas, et je retrouvai à son front le pli qui me signalait sa hantise. L’an dernier, en même circonstance, c’était avec l’autre moi qu’elle acceptait les hommages de la foule. Elle était fière alors... aujourd’hui elle était triste...

— Allons ! tenez le coup jusqu’à demain.