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Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/234

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Demain, vous aurez une bonne surprise. J’ai reçu une lettre.

— Pour moi ?

-— Pour vous. Georges me prie de vous la remettre.

Pieux mensonge... elle en devint folle. Son mari et Robert, en nous rejoignant, la trouvèrent piétinant de joie. Ils nous entraînèrent vers le grand escalier, menant à la peinture.

— Voulez-vous mon bras, me proposait M. Variland, se départant de ses façons polies et glacées.

J’acceptai, et il fit le premier sourire que j’eusse jamais observé sur son visage. Pure satisfaction de mener devant son œuvre la triomphatrice probable, de partager l’encens des hommages, de l’admiration ? Je ne sais ; mais il m’apparut qu’il me serrait contre lui plus qu’il ne convenait. Il évoluait, du reste, depuis quelque temps, non point dans ses rapports avec Rolande, mais dans ses façon d’être avec moi, qui devenais de plus en plus leur intime, il évoluait vers une bonne grâce significative d’un prestige que j’exerçais sur lui. Il avait de ces longs regards, de ces coquetteries muettes que je n étais pas encore assez femme pour apprécier à leur mesure galante, mais qui m’étonnaient par leur nouveauté. Rolande ignorait tout de ce manège ; elle s’en fût du reste totalement désintéressée ; et j’attendais qu’il se fût plus déclaré pour le lui révéler et en rire avec elle.

Mais, si ces manières de cour discrète restèrent inaperçues de Rolande, elles n’échappèrent pas à mon butor — je veux dire Robert. Avec ce défaut d’usage mondain qui le caractérisait, il s’approcha, une flamme défiante aux yeux, de notre couple et réclama :

— Pardon, n’est-ce pas à moi que revient...

— Laissez-moi cet honneur... insista M. Vari-