Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/237

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Et, me pinçant les joues :

— Allons ! elle s’adapte très bien, cette mignonne.

Nous revînmes vers des Variland, écoutâmes encore pérorer devant mon œuvre. Puis Tornada nous emmena au buffet et fit déboucher du champagne.

— À la santé de l’artiste !... toasta-t-il, la coupe en l’air.

Mais je ne sus jamais au juste si c’était lui qu’il célébrait, ou moi. À la réflexion, ce devait être lui. Et tous, nous bûmes de bon cœur. La joie était rentrée en chacun de nous. Personnellement, le champagne aidant, j’éprouvais, pour cet être extraordinaire, une sorte de gratitude. Il n’usait pourtant, en cet instant, d’aucune influence surnaturelle sur moi. Je le remerciais secrètement de m’avoir donné l’occasion d’un triomphe et de m’avoir facilité l’intimité des Variland. Tant que mon organisme en resterait à cette neutralité, tant qu’aucune autre sollicitation ne me porterait à souhaiter de Rolande plus qu’une pure et profonde affection, allons ! c’était parfait. Mais cela durerait-il toujours ? Resterais-je éternellement dans cette grisaille tendre, où les sens sont abolis ?... Pourtant, une des phrases de Tornada m’inquiétait. C’était à propos de mon adaptation. Quelle signification exacte donnait-il à ce terme ? Mon adaptation était-elle physique ou morale ? Et si elle était physique en quoi intéressait-elle la modification que Tornada avait produite en moi ?

Je lui eusse volontiers posé la question, en ce moment où je le considérais comme un père spirituel, puisqu’il avait transformé ma mentalité en même temps que mon corps. Du moins, je le croyais. Mais il semblait que la nature se chargeât de me répondre pour lui et j’en reçus, à cet instant précis, pour la première fois depuis le geste