Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/238

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du chirurgien, l’avertissement que le champ de la maternité m’était ouvert.

J’étais si loin de cette idée, que je n’avais pas songé ces derniers jours à interpréter un état nerveux anormal, des sautes d’humeur, des fantaisies, des lassitudes, une pesanteur aux reins. J’avais mis ces troubles sur le compte de l’inconduite de Robert, sur la légitime émotion d’un début au Salon. Mais, cette fois, il me fallait bien me rendre à l’évidence, et la nature m’avertissait copieusement. Dois-je avouer qu’aucune des nobles idées s’attachant à la prolongation des races ne me traversa l’esprit, et que je ne songeai qu’à sauver ma tunique d’or...

Je me penchai à l’oreille de Rolande :

— Partons, ma chérie, partons ; autrement il arrivera un désastre !

Rolande devina de suite. Les femmes, pour ces choses-là, n’ont pas besoin d’explications. Mais Robert, naturellement, en réclama. Il n’en ratait pas une.

— En voila une idée de filer comme ça !.. Qu’est-ce qu’il vous arrive donc ?

— Rien que de très régulier... tout arrive à qui sait attendre... riposta, avec une autorité satisfaite, Tornada, qui, lui, avait compris.

Accompagné de Rolande, je rentrai chez moi. Elle me coucha, me mit des boules d’eau chaude. Avec cette aisance, cette fraternité qui dissipent toutes les contraintes entre femmes, sujettes aux mêmes désagréments, elle me soignait sans vergogne, elle me posait sans pudeur des questions sur ma santé qu’elle n’eût pas tolérée que je lui posasse jadis, qui l’eussent fait rougir de honte. Très gêné dans mes réponses, je me faisais plus souffrant que je n’étais en réalité, à la fois pour éviter son inquisition et prolonger les chers moments de son assistance.