Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/239

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

— Que les hommes ont de la chance !... réfléchit-elle.

— Oh ! oui... appuyai-je avec une conviction accrue par le souvenir de mon ancienne immunité.

Elle ne se décida à me quitter que lorsqu’elle fut tout à fait conquise à l’assurance que ma soubrette me ferait prendre les précautions usuelles. Mais son départ me valut encore une joie divine, un doux tutoiement qu’elle ne m’avait jamais accordé, même au plus fort de nos élans passés. O franc-maçonnerie de l’éternelle blessure ! ...

— Tu comprends, il ne faut pas que tu tombes malade. Que dirait Georges... Tu me promets de te tenir tranquille ?

— Je te le promets, ma chérie.

— C’est bien. Je vais maintenant téléphoner à mon docteur.

— Oh ! non... bondis-je. Pas de docteur !

— C’est un spécialiste... il est jeune et charmant. — Je n’en veux pas !

— Si ! si ! tu le recevras, pour moi, pour Georges et pour toi.

La Trinité ! la sainte Trinité... Et nous n’étions, en fait, que deux. Je souris mélancoliquement, et j’attendis le disciple d’Esculape. Mon Dieu ! qu’allait-il me faire !... Il survint bientôt. Il était, comme l’avait annoncé Rolande, un praticien d’aspect plutôt séduisant, mis au dernier taylor, avec une calvitie distinguée et une barbe en éventail fleurant l’opopanax. Il m’interrogea un peu, me palpa discrètement, en homme que ça n’amuse pas, sourit des alarmes de Rolande et rédigea pour la forme une ordonnance qui prescrivait surtout du tilleul. Il ne devait pas aimer son métier. Mais il aimait conter fleurette. Aussitôt sa consultation terminée, s’installant à