Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/240

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mon chevet dans un bon fauteuil, il se mit à parler courses, dancings, boxe et chiffons, donnant des tuyaux, des potins, des adresses et des prix de tissus.

Comment ! c’était là le savant à qui Rolande confiait sa santé ! Un affreux soupçon m’envahit...

— Il y a longtemps que vous connaissez madame Variland ?

— Deux ans, peut-être... Nous nous sommes liés tout de suite... C’est une charmante amie...

Et constatant ma stupeur :

— Oh ! rien... rien de ce que vous pourriez croire... il n’aurait peut-être pas fallu trop insister. .. elle est si malheureuse en ménage, la pauvre petite !... et elle doit tant avoir besoin de consolations ! ... mais avec mes clientes, jamais !...

Il sourit :

— Et puis, quand bien même cela serait, il n’y aurait qu’elle et moi à le savoir. Je suis d’une discrétion à toute épreuve.

Ce renseignement était pour moi. L’inflexion de sa voix, son œil câlin me l’indiquaient. Mais je pris très mal sa forfanterie et récoltai intérieurement la moisson des sous-entendus qu’il venait de semer. Assurément, je ne supposais pas que Rolande se fût jamais abandonnée à ce médicastre dont la présomption, la fatuité ne pouvaient que mal l’impressionner. Mais sans doute avait-elle déployé avec lui ces provocations, ce besoin de séduction, cet allumage, si j’ose dire, qu’elle avait cachés à la jalousie de l’amant et qu’elle ne réprimait plus devant l’amie. Et je m’en irritais. Était-ce le fait d’une femme réellement éprise que de céder à d’aussi vaines satisfactions de vanité ; que de compromettre, par les jeux d’un empire si facile, la grandeur d’une passion qu’on jure éternelle !

— C’est bien, coupai-je, au docteur... Je n’ai pour l’instant que faire de vos qualités, et je pense