Page:Les Œuvres libres, numéro 7, 1922.djvu/241

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me guérir désormais sans vos soins. Combien vous dois-je pour votre visite ?

Il se leva, coutumier de ces rebuffades de la part des nerveuses ; et glissant ses gants beurre frais :

— Je ne demande jamais rien aux jolies femmes.

Dernière méprise, dernière avanie, je les encaissai en déchirant son ordonnance. Je m’étais levée, je marchais impétueusement à travers la chambre. J’avais mal aux nerfs. J’agitais mille pensées contraires. Sans doute cette source naturelle, ce flot de vie, qui venait de jaillir d’une façon si imprévue, gagnaient-ils en même temps mon moral et m’ouvraient-ils des horizons nouveaux, comme cela se passe chez tous les êtres au moment de la puberté. J’étais sur tous ces phénomènes physiques, je l’ai déjà dit, d’une ignorance crasse ; de l’inconcevable ignorance de tous les hommes pour qui l’éducateur, au collège, supprime délibérément une partie de l’anatomie, et quelle partie !...

Alors, dans un effréné désir d’éclaircir le mystère qui venait de se passer en moi, je courus à ma bibliothèque, j’y découvris un traité d’anatomie et me mis à le dévorer. En vérité, je connaissais la beauté extérieure ; mais quelle beauté aussi, quelle puissance, quelle méthode, quelle ingéniosité en ces profondeurs, en cette usine productrice de la race où, régulièrement, se distillait l’un des éléments de l’être livré ensuite à un torrent pourpre ; tandis que d’autres éléments, les males, les têtards, accouraient éperdûment, à qui se présenterait le premier, pour rencontrer l’œuf, se fondre avec lui et commencer l’œuvre prodigieuse de la vie ! Tout un roman, une histoire de chevalerie, avec peut-être ses luttes, ses batailles entre microorganismes, parmi les anfractuosités de la route, savait-on ? — déjà la rivalité des multiples avant