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emploierait ses efforts à lutter contre toutes les influences qui chercheraient à incliner le gouverneur vers la modération.

— Tu voudrais prévoir l’avenir, lui dit-elle, et tu n’es pas la Pythie ! Occupe-toi du présent. Songe que Galère est plus près de toi que Dioclétien, qui lui-même sans cesse, à l’égard des chrétiens, passe de l’indulgence à la sévérité. Songe que c’est de Galère que tu tiens tes fonctions, et que, dès demain, il t’en peut priver. Ce qu’on fait à Thessalonique, sous ses yeux, si tu ne le fais à Corinthe, n’auras-tu pas l’air de blâmer ton maître ? Et le croirais-tu capable d’ignorer ta conduite ? Quand bien même il aurait omis — mais certes, ce n’est pas toi, fonctionnaire expérimenté, qui t’abuserais de cet espoir ! — d’envoyer ici secrètement quelques-uns de ses familiers pour le renseigner sur ta conduite, comptes-tu pour rien Céphisodore le poète, Philomoros le platonicien, Pachybios le rhéteur qui, depuis vingt ans, déclame dans ses lectures contre les chrétiens ? Peux-tu croire un seul instant qu’ils n’avertiraient point l’auguste : eux et cent autres ! Et voici que, tel un vieillard qui se vanterait de lire l’heure, d’un stade, sur la clepsydre de l’agora, mais ne pourrait déchiffrer le parchemin, placé sous ses yeux, qui le condamne à mort, tu rêves de je ne sais quelle incroyable révolution qui viendrait on ne sait quand, du fond des Gaules, alors que tu ne pressens pas l’orage qui, de Thessalonique, peut rouler vers toi !

Quelques instants plus tard le gouverneur avait rappelé Vélléius.

— L’édit sera publié demain, lui dit-il. Fais-en