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Un assez vieil homme, poilu et camus comme un faune, écrivait non loin de lui, assis à une table grossière, avec un style de roseau, sur des tablettes à l’ancienne mode, recouvertes de cire. Cet homme, s’adressant familièrement à lui :

— Il paraît qu’il y a eu des troubles aujourd’hui, pendant qu’on jugeait les chrétiens ?

— Serais-tu chrétien ? interrogea Cléophon.

Cette espèce de satyre se contenta de rire bonnement.

— Ce ne sont pas des choses à demander en ce moment. On pourrait croire que tu es de la police. Et tu n’en es pas ! Je te connais, bien que tu ne me connaisses pas. C’est pour autre chose, à une autre heure, que tu viens d’ordinaire.

— Toi aussi ?…

— Oh ! moi… Si j’en avais l’occasion… La vérité est qu’on me laisse un lit pour deux oboles, après la fermeture. Je couche où d’autres ont déjà couché, mais je dors, moi, tout simplement.

— Et le jour, que fais-tu ?

— Ce que je faisais tout à l’heure, quand tu es entré. J’écris. Pour moi, et pour les autres. Poète, et scribe… Veux-tu voir ?

Cléophon lut :

La veille des calendes de mai, passion de douze martyrs, nos concitoyens. Il y avait Marianus et Zénon, diacres, Euryclès, qui vivait près des Bains d’Hélène. Saints de Dieu qui les accueillerez, nous ne connaissons que ces noms. Souvenez-vous des autres !

— Mais alors, tu es chrétien ?

— Non… Je suis poète et scribe, je te dis, et j’écris aussi purement en langue latine qu’en langue grecque. Les chrétiens ont confiance en moi. Ils ont recueilli les corps de ceux que Sa Grandeur a fait exécuter ce matin, et m’ont prié