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ter de croire quand on n’est qu’une petite fille, et ce qui est, quand on est une femme.

En apparence, pourtant, cela était si différent de ce qu’elle prévoyait ! La liberté de l’éducation orientale, les bas-reliefs significatifs que le temple d’Aphrodite avait empruntés aux traditions de l’Astarté asiatique, ne lui pouvaient laisser ignorer que peu de choses. C’était à ces choses qu’elle s’attendait, c’était entre elle et ces abominations que son Seigneur allait imposer sa toute-puissance ; mais rien de tout cela, rien… Une salle assez grande, banale, avec des sortes de niches assez profondes dans la muraille, de distance en distance, qu’un rideau permettait de fermer ; dans cette salle, des femmes vêtues, sinon comme elle, du moins d’une façon vulgairement décente, et qui travaillaient à des ouvrages de femme, paisiblement : la chambre des filles de service dans son propre gynécée, c’est à quoi cela ressemblait le plus. Les stationnaires qui l’avaient amenée s’étaient fait donner un reçu. Ils riaient de cet air stupide qu’elle avait déjà vu aux hommes, dans les noces… C’est cela même qui la fit désespérer : puisque tout était si semblable à ce qu’elle connaissait, le miracle n’était pas possible…

Lorsque Cléophon entra, elle était nue dans sa cella, comme les autres. Elle priait comme on lui avait enseigné à prier, mais sans ardeur : peut-être n’en était-il plus à cette heure comme aux premiers jours de la foi ; peut-être qu’elle n’était pas digne de l’Époux, et qu’il l’abandonnait. Il y avait aussi dans son cœur un sentiment atroce, qu’elle voulait repousser comme venant du démon, et qui lui disait : « Eh bien,