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sublime inscription. Et il n’y avait même pas à combattre, ce qui lui eut paru plus difficile, il n’y avait qu’à mourir. Et, après la mort, ce ne serait pas seulement la vie obscure et vaine des héros, dans l’Hadès hellénique : le triomphe total, définitif de l’âme glorifiée, plus vivante que sur terre, participant aux béatitudes éternelles d’un Dieu éternel. Il s’étonnait naïvement qu’un tel bonheur lui fut réservé ; il y restait presque incrédule, s’en jugeant indigne pour si peu de choses. Aussi toucha-t-il l’évêque par la sincérité de ses craintes, que celui-ci nommait, non sans quelque apparence de raison, du repentir. Cléophon conviait Myrrhine à l’imiter, lui représentait avec ingénuité qu’elle n’avait point autre chose à faire.

— Car, lui disait-il, puisque tu ne saurais échapper au sort qui nous est commun, si tu dois mourir comme chrétienne, ne serait-il pas absurde, de ta part, de ne point chercher à retirer de la mort les avantages dont les chrétiens déclarent qu’ils sont assurés ? Il n’est pas un homme de sens qui ne te le conseillerait.

Onésime approuvait ce raisonnement, l’estimant irréfutable. Mais Myrrhine demandait si cette éternité de délices, qu’on lui garantissait, elle la pourrait partager avec son amant.

— Je ne saurais te l’affirmer, répondit l’évêque. Les âmes des bienheureux martyrs disposent d’une singulière influence. Si Théoctène était vivant, il pourrait, à ton exemple, devenir chrétien. Notre histoire rapporte nombre de cas de ces conversions miraculeuses. Mais il est mort, et tout ce qu’on peut raisonnablement espérer, surtout dans les circonstances particulières où il succomba, victime de la rage des infidèles, c’est qu’une illumination particulière lui ouvrit les yeux, et qu’il est mort chrétien.

— Mais tu n’en es pas sûr ! répliquait Myr-