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nier repas, il a pris du pain et du vin, il a dit : « Ce pain et ce vin, ce sera moi, toutes les fois que m’appelleront ceux à qui j’en ai donné le pouvoir ! » Puis on l’a torturé, il est mort, il est ressuscité, il est remonté dans son Royaume : il reviendra ! Il reviendra, terrible et miséricordieux. Il reviendra, dans son incorruptible majesté. Mais d’abord il va revenir ici. Il va descendre et s’incorporer dans ce pain et ce vin. Viens, viens, viens ! Ô Seigneur, viens !

L’évêque s’était prosterné, et tous ceux qui étaient là, non seulement les compétents, mais les catéchumènes, les pénitents, les infidèles même, et Cléophon, Myrrhine, Aristodème, comme écrasés de terreur et de désir mystiques, s’effondraient comme lui. Ce fut un silence formidable, où les cœurs palpitaient.

Tout à coup, Onésime, après s’être encore une fois prosterné, se relevant, se tourna vers les fidèles, étendit les bras, sans un mot. Son visage rayonnait : le miracle était accompli !

Ce fut dans cette foule un transport d’enthousiasme, une allégresse qui coula dans les veines comme un vin trop fort dont on ne saurait dissimuler l’ivresse. L’incroyable, l’impossible était vrai ! Dieu venait de surgir sous leurs yeux, parmi eux. Il allait se donner avec sa chair, avec son sang, on participerait à son essence, à sa pureté, à sa force. Le même cri triomphal sortit en même temps de toutes les bouches, pour se changer bientôt en un chant de joie surhumaine, un hymne éclatant, lumineux, jeté, brandi vers le ciel comme une torche : origine et premier état de ce Te Deum que les chrétiens du rite latin, dans notre siècle, n’entendent plus qu’aux jours des victoires terrestres. Mais quelle victoire pouvait égaler celle-ci ! Ce Dieu présent, ce corps et ce sang divins, ressuscités, durant que l’hymne formidable se déchaînait encore, les diacres, fré-