Page:Les œuvres libres - volume 1, 1921.djvu/223

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était une trop grande dame pour que Myrrhine l’eût jamais aperçue, sans quoi celle-ci eut pu distinguer son visage parmi les spectateurs : car la femme de Velléius tint à rassasier ses regards des derniers moments de sa rivale. D’ailleurs la plupart des humains, au contraire des indifférents animaux, ressentent une volupté singulière à contempler les douleurs qu’ils ne partagent point, mais dont leur imagination leur suggère qu’ils les pourraient subir. Aristodème avait disparu : rien ne le retenait plus parmi les prisonniers depuis que Myrrhine le repoussait ; il s’était décidé à payer d’une grosse somme sa mise en liberté, et c’était tout ce que Pérégrinus attendait de lui. Rhétikos, de son côté, s’était empressé de prononcer son abjuration solenelle.

Une espèce de caprice, des fantaisies cruelles, présidaient aux supplices infligés aux condamnés. Pour certains c’était la croix dont Constantin ne devait interdire l’usage qu’à la fin de son règne, près d’un quart de siècle plus tard. Pour d’autres, la potence, pour d’autres le fer. D’autres étaient pris pour cible par des archers. D’autres encore, surtout des femmes, étaient liés par les jambes à des branches d’arbre qu’on avait rapprochées de force par des câbles ; on coupait ces liens, et les rameaux, se redressant, déchiraient la victime par le milieu de son corps délicat. Ce fut ainsi que périt Ordula. Ivre d’une inconcevable joie, elle ne semblait pas sentir la douleur, et son visage, quand il ne proférait pas des injures, ne trahissait qu’une ardeur fanatique. Cléophon considérait ces tortures avec une espèce d’avidité. Il essayait d’imaginer l’effet qu’elles produiraient dans sa propre chair ; ses sens, à la fois affaiblis et exaspérés, finissaient par les désirer. Onésime, qui avait obtenu d’être sacrifié le dernier, afin de pouvoir jusqu’à ses