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— Mais, — ajouta-t-il en manière d’explication, — dans l’intérêt même de chacun, et surtout pour la plus grande commodité des dames, il est bon que quelques-uns d’entre nous s’en aillent passer la nuit ailleurs, et procurent quelque solitude à celles qui ont bien le droit de ne pas dormir en trop grande société.

Ayant dit, il s’en fut, assez promptement.

Or, dans l’instant d’après, l’une après l’autre, Mme Francheville, d’abord, puis Mrs. Ashton exprimèrent, elles aussi, le désir de ne point gêner le reste de la compagnie.

— Il ne serait pas juste, dirent-elles, chacune à sa façon, — que notre qualité de femme chassât de la caverne tous ceux qui préfèrent y coucher. Mme d’Aiguillon, certes, a droit à tout ce qu’elle préférera. Mais elle seule. Nous, qui n’avons point de cheveux blancs, cédons volontiers le meilleur abri à lord Nettlewood, tout comme a fait M. de la Cadière à la marquise.

Cela n’alla pas sans protestation. Et le premier à protester fut Reginald Ashton. Ce dont tout le monde s’étonna considérablement : c’était, de mémoire d’homme présent, voire de mémoire de femme, la première fois que Mr. Ashton ne criait pas d’emblée : « Assomme ! », dès que Grace Ashton avait crié : « Tue ! »

En l’occurrence, il en alla tout autrement. Reginald Ashton commença par tousser deux ou trois coups, puis, d’un ton peut-être embarrassé, mais ferme tout de même, exposa que la théorie du comte de la Cadière était excellente pour les jeunes gens et pour les célibataires, mais que Mme d’Aiguillon elle-même aurait de quoi s’offenser si tous ses amis, et d’abord toutes ses amies, l’abandonnaient, telle une pestiférée.

— Ceux-ci surtout n’en ont pas le droit, — conclut-il, — que les convenances strictes n’obli-