Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/27

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tain petit Choix de lectures graduées ; si bien « graduées » qu’il se terminait par le texte complet d’Athalie. Depuis que la dramaturgie de Berquin m’avait enchanté toute page en dialogue me tirait à elle comme un aimant : quel bonheur, une comédie ! Mon Choix fut ouvert par la fin, je m’enfonçai dans la comédie inconnue et, la cloche ayant sonné la fin de l’étude, je ne pus m’arracher au secret du grand prêtre, au destin de la reine impie, et menai tout ce monde dans la cour de récréation. Tant d’application inquiéta un de mes nouveaux camarades, le seul dont je fusse connu. Il accourut, me put me tirer de mon livre et s’en fut raconter que j’aurais tous les prix… Ainsi continuai-je à lire en paix jusqu’au coup de théâtre :


Soldats du Dieu vivant, défendez votre roi.

...............

Seigneur, le temple est vide et n’a plus d’ennemis.

L’étranger est en fuite et le Juif est soumis !


Dénouement heureux, légitime et légitimiste, comme le dénouement de ma chère Odyssée ! Mais je n’avais vu l’Odyssée qu’à travers l’excellente traductrice Dacier. Ici, pures, libres, sans voiles, la pensée, la mesure employaient leur prestige direct à remuer mes puissances mystérieuses. Celui qui met un frein à la fureur des flots… Je crains Dieu, cher Abner… Quelle joie ! quelle sécurité dans la joie ! Adieu, pudeur, scrupules de la vague et profonde sensation musicale ! Pour la première fois depuis que je vis, que je sens, cette journée d’octobre 1876 me révèle la complète satisfaction de tout ce que je peux rouler d’idées claires. La poésie parfaite, affranchissant du trouble qu’elle a créé, en retient le plaisir, et mes curiosités portent en couronne ma joie.

Vous vous rappelez Fénelon : « J’ai vu un jeune prince, à huit ans, saisi de douleur à la vue du péril du petit Joas. Je l’ai vu impatient sur ce que le