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grand prêtre cachait à Joas, son nom et sa naissance. » La réaction est celle de tout jeune cœur bien placé.


III

l’erreur de jeunesse.

Comme tout le monde au collège, j’eus bientôt mon cahier de poésies : le Crucifix, Fantômes, le Lac, Louis XVIII, les deux Naissances du duc de Bordeaux y figuraient d’abord avec le Clairon, de Déroulède et les Souvenirs du peuple, de Béranger. À quel plaisir sincère pouvaient bien correspondre de tels mélanges ? Peut-être au sentiment qu’éveillait la matière héroïsée par le poète, religion de la patrie ou de la royauté, éblouissement du météore Napoléon, élans de piété, chant d’amour ou psaume de mort. Comment, d’ailleurs, mon choix se fût-il délivré des lois habituelles de la vie en commun qui déterminent une imitation de tous par tous ! Ni au collège, ni dans la rue, l’opinion publique n’est une cause de progrès. Cependant, il y a des sélections de natures dont les affinités forment et aiguisent le goût.

J’avais rencontré en huitième, âgé de huit ans comme moi et juste mon aîné de vingt-quatre heures, un petit externe de vive intelligence et spirituel comme un diable. Il s’appelait René de Saint-Pons. Nous nous disputions les prix de narration : lui paresseux et moi distrait, tous les deux aux aguets de plaisirs de l’esprit qui ne fussent pas au programme. Notre amitié, d’abord banale, se resserra de classe en classe. Bientôt nous convenions de sortir ensemble à midi afin de discuter et de nous quereller à l’aise jusqu’à sa porte ou à la mienne, en ayant soin de prendre toujours par le plus long.