Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/379

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taine, coërce les forces, distribue les rôles. Maîtresse Bourdel va délivrer sa petite fille du tilbury et court quant et elle à Saint-Aubin ramener du secours, prévenir les gendarmes. Des bourrées sont accumulées dans la cour. Maître Bourdel et son valet les roulent des bras, des pieds et du buste contre la porte de la grange. Puis on décroche de la cheminée un vieux fusil à pierre.

Les coups des Chauffeurs commencent à pleuvoir contre les battants qui ne pourront pas longtemps résister.

— Père ! crie Denise d’une voix stridente, la querreterie est isolée des bâtiments, boutons-y le feu. Ils sont dans le foin et dans le bois, ils vont griller comme des bringelles.

— Oui ! brûlons donc la ferme avec, s’il le faut, rugit Bourdel.

Et sans plus de menaces, il rapporte de la cuisine un tison pétillant et le jette en pleines brindilles. Mais ça n’irait pas assez vite. Il arrose le bois avec sa provision d’huile. L’incendie fait aussitôt rage.

— Maintenant, mes gars, il ne vous reste plus qu’un chemin pour sortir : la lucarne, là-haut. N’y a pas d’échelle dans la grange, mais des gars d’osier, comme vous, ça doit être souple à la grimpade. Seulement on ne peut passer qu’un à la fois. À qui l’honneur ?

Bourdel désignait l’étroite fenêtre par où l’on entasse le foin dans les combles. Le valet en visait l’ouverture, un doigt posé sur la détente. Cependant une fumée épaisse montait des bourrées pétillantes, déjà léchées partout de longues langues de feu.

C’était au centre un véritable brasier. La chaleur grandissait. La nuit était tout à fait tombée. La lutte des grandes ombres, mangées par des clartés et les dévorant à leur tour, dansait dans la cour sinistrement. Les ânes poussaient des hi ! han ! lugubres. Les appels de ces âmes obscures remuaient la pitié.

À leur tour, les prisonniers vomissaient d’horribles imprécations, ou criaient.