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Page:Les œuvres libres - volume 42, 1924.djvu/75

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LA DENT D’HERCULE PETITGRIS

— Je ne le pouvais pas.

— Pourquoi ?

— Ma femme eût entendu.

— Mais puisque Mme de Bois-Vernay elle-même a avoué…

— Oui, mais pas moi. De ma part, ç’eût été un mensonge.

— Un mensonge ! Mais les faits sont là, monsieur. Dois-je vous relire le dossier, les procès-verbaux, les témoignages qui relatent l’enlèvement du corps, vos rendez-vous avec Lériot ?…

— Encore une fois, monsieur le Ministre, ces faits montrent un commencement d’exécution, mais non l’exécution elle-même.

— C’est-à-dire ?

— C’est-à-dire qu’il y a bien eu des rendez-vous entre Maxime et nous, et qu’il y a bien eu enlèvement de corps. Mais jamais mon idée n’a été de commettre un acte que j’aurais considéré, moi aussi, comme un sacrilège inexpiable, et auquel Maxime Lériot n’aurait d’ailleurs jamais consenti…

— Votre idée alors ?

— Ce fut simplement de donner à ma femme…

— De lui donner ?…

— L’illusion, monsieur le Ministre.

— L’illusion ? répéta Rouxval en qui la vérité commençait à prendre forme.

— Oui, monsieur le Ministre, une illusion qui pût la soutenir et lui rendre le goût de la vie… et qui, en effet, l’a soutenue jusqu’ici. Elle croit, monsieur le Ministre. Concevez-vous tout ce que cela signifie pour elle ? Elle croit que son fils est dans la tombe sacrée, et cette croyance lui suffit.

Rouxval baissa la tête et se passa la main sur le front. Une joie si brusque l’envahissait qu’il ne voulait pas qu’on en vît sur sa figure l’expression désordonnée.

Affectant l’indifférence, il dit :

— Ah ! Voilà donc ce qui a eu lieu ? Il y aurait