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LES BRAVES GENS.

perplexité, il tira sa montre de sa poche, regarda l’heure, et parut complètement rassuré.

« C’est la seule chose à faire, dit-il, et le plus tôt sera le mieux.

— Nous avons le temps ; commence par te guérir ; d’ailleurs cela ne peut pas se faire avant le printemps prochain. Mais d’ici là que de bonnes soirées nous passerons à faire nos petits projets ! »

Le capitaine Jean survint ; on lui conta toute l’affaire. Jamais, selon lui, projet n’avait été plus raisonnable.

« Ça va bien ! dit-il. Quelle chose délicieuse ! Et il se frottait les mains. Vous aurez là-bas un tas de bêtes que vous ne pouvez pas avoir ici. »

Et l’on énuméra toutes les bêtes que l’on aurait.

« Moi, dit l’oncle Jean, je suis comme ma nièce, j’aime beaucoup les animaux ; ça met de la vie autour de vous. Naturellement, je n’ai jamais pu en avoir, car, à moins de les mettre dans ma valise… Je n’ai jamais eu à moi qu’un méchant singe que j’avais attrapé là-bas ! »

M. Aubry fut pris d’un violent accès de fou rire ; sa femme fut obligée, pour l’empêcher de s’étouffer, de lui administrer de bonnes tapes dans le dos.

Le singe du capitaine avait été légendaire au régiment, parce qu’il lui avait mangé une demi-douzaine de chemises, et parfilé les galons de son uniforme. Le capitaine lui avait immédiatement rendu la liberté et n’avait pas poussé plus loin cet unique essai de domestication.

« Vous devriez, dit-il, avoir des abeilles. »

On n’y avait pas songé, mais on y songerait.

« Eh bien alors, vous pouvez dire que vous serez dans le paradis terrestre, et je vous réponds que vous me verrez là-bas plus souvent que vous ne voudrez.

— Oh ! vous, j’étais bien sûr que vous ne nous négligeriez pas ; mais les autres !

— Quels autres ?

— Les lézards !

— Les lézards ont de bonnes pattes et peuvent bien trotter jusque-là. Quant à ceux qui trouveront que c’est trop loin pour aller serrer la main d’un brave homme, ils ne valent pas la peine qu’on les regrette. Du moins, voilà mon avis à moi.

— Dis donc, ma vieille, tu vas me rouler jusqu’à la salle d’armes, pour que le capitaine puisse fumer sa pipe. Puisque tu ne veux pas que je fume, cela me ragaillardira de voir fumer. »