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Page:Les Braves Gens.djvu/132

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LES BRAVES GENS.

M. Dionis, et lui demanda mystérieusement à quoi il ressemblait avec sa cravate blanche et ses favoris. M. Dionis lui demanda s’il ne se choquerait pas de sa réponse.

« Pas du tout.

— Eh bien, vous ressemblez trait pour trait à un domestique de bonne maison.

— Vrai ! la ! monsieur Dionis, vous trouvez ? reprit Thorillon avec une voix tremblante d’émotion.

— Je le trouve parce que cela est.

— Merci, monsieur. Permettez-moi de vous serrer la main pour cette bonne parole. » Et Thorillon partit, l’air enchanté.

Le lendemain, on remarqua encore quelque chose de nouveau. Thorillon faisait des brouillons, qu’il déchirait ensuite d’un air chagrin. Quand on faisait mine de se diriger de son côté, il jetait précipitamment sur son travail une grande feuille de papier brouillard, et se mettait à tailler une plume pour vous dérouter. Le résultat de cette mystérieuse élucubration, qui ne dura pas moins de deux jours et demi, fut une missive de format gigantesque que Mme Defert trouva une après-midi sur la cheminée de sa chambre.

Le cachet rompu, Mme Defert se trouva en face d’un chef-d’œuvre de calligraphie, dont voici la teneur :

« Madame,

» J’ai l’honneur de faire part à Madame, que je voudrais bien, si cela ne vexerait pas Madame, lui parler toute seule,

» De
Madame
le
profond
serviteur.
» Signé : B. Thorillon.

» P. S. Aux ordres de Madame, et Madame peut croire que le plus tôt sera le meilleur. »

« Qu’est-ce que cela peut signifier ? » se dit Mme Defert en souriant. Elle sonna, et fit prévenir Thorillon qu’elle l’attendait.

La première idée du pauvre diable fut de se sauver bien loin pour