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Page:Les Braves Gens.djvu/134

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LES BRAVES GENS.

Arrivé là, il tourna court, et fit connaître l’objet de sa demande.

« M. Nay a besoin d’un valet de chambre ! Oh ! madame, je vous en supplie, ne me dites pas qu’il n’en a pas besoin. Il lui faut toujours bien un domestique à tout faire. Accordez-moi votre protection, et dites-lui qu’il me prenne à l’essai. Et puis, quand ils partiront d’ici, cela fera plaisir à Mlle Marguerite… pardon !… à Mme Nay de voir une figure de connaissance. Ça lui rappellera à tout instant Châtillon, la maison et tout ! M. Nay est un savant, mais il n’est pas de Châtillon. Il ne peut pas connaître toutes les petites histoires du pays comme moi. On dit que les gens qui sont loin du pays aiment tout ce qui leur rappelle le bon temps. Que Madame y songe ! Sans doute, Mme Nay vivra au milieu d’un tas de préfets, de princes, de marquis, et ce sera bien honorable pour la famille. Mais toutes ces personnes-là auront beau faire, elles ne pourront toujours pas lui parler du temps où elle était petite fille, de la naissance de Mlle Marthe, ou du baptême de M. Jean. »

Mme Defert était fort embarrassée, et ne savait trop que répondre. Pour gagner du temps, elle dit à Thorillon qu’elle ne pouvait rien décider à elle toute seule, qu’elle avait besoin de réfléchir, de consulter M. Nay ; et elle lui conseilla de réfléchir de son côté.

« Oh ! de mon côté, c’est tout réfléchi ! il y a deux ans que je rumine ça dans ma tête. Mais, pour faire plaisir à Madame, je réfléchirai encore. »

Il eut un silence de quelques instants qui fut rompu par Thorillon : « Je ferai observer à Madame que mon petit nom est Baptiste ; un nom commode à dire et fait tout exprès : Baptiste, le feu est-il allumé dans le cabinet de Monsieur ? — Baptiste, allumez la lampe ! — Baptiste, fermez les volets ! — Baptiste, où sont les enfants ? — C’est encore à considérer. »

Ayant lancé ce dernier argument, Baptiste se dirigea vers la porte, et il allait la refermer discrètement derrière lui, lorsqu’il s’arrêta comme s’il lui fût venu une nouvelle idée. Ayant toussé derrière sa main, en manière de rentrée : « Madame pourrait ajouter que j’aime beaucoup les enfants, et que les enfants ne se déplaisent pas avec moi. Je sais les amuser, les promener ; je sais faire des sifflets avec des branches de saule, des paniers avec des brins de jonc, et… et je nage comme un poisson !

— Je ne manquerai pas de le dire, répondit Mme Defert qui s’amusait de sa persistance, et que touchait son dévouement. J’ajouterai