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Page:Les Braves Gens.djvu/151

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— Oh ! je puis aller chez lui, si ses parents ne veulent pas qu’il sorte le soir.

— Cela les gênerait beaucoup d’avoir une personne étrangère au milieu de tous leurs petits tripotages.

— Eh bien ! si tu le permettais, il pourrait venir ici. La salle d’étude est assez grande. Je ferai volontiers le sacrifice de ne plus travailler le soir à côté de vous. Il pourrait être là avec moi, sous mes yeux, sans me déranger beaucoup.

— Soit, dit Mme Defert ; mais cet enfant a peut-être la tête un peu dure, il faudra lui répéter souvent la même chose : ne crains-tu pas de perdre quelquefois patience et de regretter ton entreprise ? C’est un enfant ; on aura beau lui répéter dans sa famille que c’est une grande bonté de ta part que de t’occuper de lui ; au bout de quelques jours, il trouvera la chose toute naturelle, et ne se gênera plus avec toi. Es-tu sûr de ne pas t’offenser de sa familiarité, de ses espiègleries, de ses questions en l’air, de ses bâillements quand il s’ennuiera ? car tu peux être sûr qu’il s’ennuiera plus d’une fois et qu’il le laissera voir. Le fond de son éducation est bon, puisqu’il respecte ses parents et son professeur, mais ses manières sont peut-être un peu rudes. Peux-tu répondre que tu n’en seras pas choqué, et que tu ne le lui feras pas sentir ?

— Je ferai de mon mieux, répondit Jean, pour lui être utile ; je veillerai tant que je pourrai à ce qu’il n’ait pas à se plaindre de moi. Permets-moi d’essayer et de te consulter dans les cas embarrassants. Je ne puis pas dire que je sois sûr de réussir, puisque je n’ai jamais essayé ; mais ce dont je suis sûr, c’est que le pauvre petit a besoin d’aide, et que je ferai bien de l’aider. »

Defert donna son consentement, et se chargea de traiter l’affaire avec la famille Loret.

M. Loret voulut faire un petit remercîment bien tourné, mais il s’embrouilla si bien dans la première phrase, qu’il y serait encore si Mme Loret n’avait pris la parole pour dire tout simplement : « Madame, vous avez toujours été la meilleure des femmes, et votre fils tient de vous. »

Ici M. Loret, pour se rattraper, fit allusion au proverbe : Bon chien chasse de race. Mais il se mordit bien vite la langue quand il vit que sa ménagère fronçait le sourcil. Elle trouvait la métaphore du chien un peu risquée, quand il s’agissait de Mme Defert et de son fils.

Quand Mme Defert et Jean furent partis, on félicita de toutes parts