Pour conclure, M. Karl Schirmer, se jetant aux pieds de M. Defert, le supplia, les larmes aux yeux, de l’associer au travail de M. Dionis. M. Defert aurait aimé à réfléchir sur cette proposition ; pour gagner du temps, il dit que M. Dionis devait être consulté.
« Il l’est ! répondit M. Schirmer en interrompant ses gémissements et en quittant pour un instant son ton pathétique et sentimental. Il consent si vous consentez ! » (Crise de larmes et de sanglots.) M. Schirmer reprend ensuite sa voix naturelle pour dire : « Mon écriture est devenue toute française » ; et il tira de sa poche une page d’une écriture admirable.
« Sublime Monsieur ! s’écria-t-il en se relevant ; et il saisit la main de M. Defert, comme pour l’empêcher de s’enfuir. — Sublime Monsieur ! ayez pitié d’une famille infortunée, et Dieu vous bénira, vous, les vôtres et votre cher pays ! » Pour prendre Dieu à témoin, il leva les yeux avec tant de ferveur que l’on n’en voyait plus que le blanc ; et ses boucles blondes exécutèrent autour de son col une mélancolique sarabande.
M. Defert, ennuyé et déconcerté, fit de faibles efforts pour dégager sa main prisonnière ; alors M. Schirmer, par un geste théâtral, abattit sa seconde main, et M. Defert se trouva pris comme dans un étau. Et le blond jeune homme s’écria : « Ô très-haut né ! Ô sublime Monsieur ! oh oui ! oh, vous dites oui, n’est-Ce pas ? »
Que répondre à un homme qui a mis votre main en réquisition, et qui refuse de vous la rendre sans rançon ; à un homme dont le père a perdu tous ses thalers, dont la mère pleure en moyenne trois heures par jour, dont la sœur a vu son fiancé s’envoler vers les rives lointaines du Niger ? M. Defert consentit, et fut aussitôt rendu à la liberté.
M. Schirmer se retira à reculons, la main sur son cœur et regagna son logis. C’était une âme forte que celle de ce blond jeune homme ! Car à peine eut-il tourné le coin de la rue, que toute trace d’abattement disparut de son visage, et c’est en sifflant gaiement qu’il écrivit è son vénéré père le résultat de sa démarche.
Du reste, M. Defert n’eut pas à se repentir de lui avoir cédé. M. Schirmer était d’une assiduité exemplaire, et s’entendait fort bien à sa besogne. M. Dionis parla sérieusement de prendre sa retraite, assuré que son départ ne ferait aucun tort à la maison. Un scrupule lui vint cependant avant d’abdiquer. Il prit M. Schirmer à part et lui dit : « Il me semblait avoir entendu dire que dans votre pays tout le