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LES BRAVES GENS.

allait demander. Il frissonna de la tête aux pieds, et fut comme enivré de cette joie enthousiaste qui fait les héros. À peine le colonel avait-il achevé de parler, qu’il fit deux pas en avant et dit d’une voix ferme :

« Moi, mon colonel. »

Le colonel, qui l’aimait, le regarda un instant d’un air pensif. Puis, ôtant son képi :

« Lieutenant Defert, lui dit-il, venez recevoir vos instructions. »

Parmi les soldats qui s’offrirent, Jean choisit ses hommes : il y avait bien un tiers de Châtillonnais. Le reste du régiment partit pour une direction inconnue. Au moment du départ, le colonel embrassa Jean devant tous ses camarades.

Au bout de deux heures d’attente, le détachement fut attaqué. La fusillade dura jusqu’à trois heures du matin. Une partie des hommes étaient restés sur place. Quelques-uns se dispersèrent à travers la campagne et furent ramassés par les éclaireurs ennemis. Le rêve de Mme Defert s’était réalisé. Jean, la poitrine percée d’une balle, était couché au revers d’un fossé, son pâle visage était tourné vers les étoiles. La terre buvait lentement le sang de sa blessure.