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LES BRAVES GENS.

gens qui n’ont pas les moyens de s’expatrier ? Son exemple rassura un certain nombre de dames et calma la foule exaspérée. On commençait déjà à insulter et à menacer ceux qui abandonnaient la ville.

La garde nationale était sous les armes, non pas qu’elle eût l’espoir de défendre une ville ouverte, mais on voulait du moins la mettre à l’abri des insultes des maraudeurs. Un enfant monté sur un cheval de labour vint annoncer à la mairie que les uhlans déjeunaient à Valserre. On doubla le poste à l’octroi, et l’on coupa la route par une tranchée.

Vers les trois heures de l’après-midi, la sentinelle cria aux armes, et le poste forma ses rangs. Cinq uhlans descendaient au petit galop de chasse la pente de la colline. L’un d’eux se détacha des autres : c’était un sous-officier à barbe blonde, avec un lorgnon à l’œil droit, et un air très-insolent. Il s’arrêta au bord de la tranchée et chercha des yeux quelqu’un à qui il pût s’adresser.

« Que voulez-vous ? lui demanda le chef du poste.

— Entrer dans la ville.

— En parlementaire ?

— Non, en vainqueur ; et il tordit sa moustache.

— Vous n’êtes pas en force, nous ne devons ni nous ne pouvons vous laisser entrer.

— Que ferez-vous si nous entrons ?

— Nous ferons usage de nos armes.

— Vous n’oseriez pas ! dit le sous-officier en ricanant avec insolence ; et il fit reculer son cheval pour prendre du champ.

— Que votre sang retombe sur votre tête, dit le chef du poste ; nous sommes dans notre droit. »

L’autre siffla, donna de l’éperon et franchit le fossé. Il y eut un moment d’hésitation parmi les gardes nationaux. Le sous-officier tira alors un pistolet de ses fontes et l’arma.

Un des gardes nationaux épaula et fit feu. Le cheval fit un écart, le cavalier tomba comme une masse. Les quatre autres uhlans tournèrent bride et s’enfuirent au grand galop.

On s’empressa autour du sous-officier, et l’on constata que sa bles-