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LES BRAVES GENS.

Mme Defert s’enveloppa de son manteau, car la neige commençait à tomber, et elle partit d’un pas rapide. L’homme qui l’avait amenée eut honte de la laisser aller seule ; et abandonnant au milieu de la route la carriole et le cheval mort, il la rejoignit en courant.

La porte d’entrée du château de la Rochette était toute grande ouverte.

Pourquoi l’aurait-on fermée ? L’ennemi avait pris tout ce qui était à sa convenance, et le marquis ne voulait pas que les malheureux qui cherchaient un gîte et du pain dans ce temps de misère vinssent se heurter contre une porte close. Mme Defert entra avec son compagnon, et alla sonner à la porte du perron. Un vieux domestique parut avec une lampe à la main. Il ne témoigna aucune surprise de voir venir une dame à pied par ce temps froid et neigeux, il avait vu depuis quatre mois des choses bien plus étranges. Il l’introduisit au salon et alla prévenir le marquis. Comme il était discret, il ne demanda pas à Mme Defert quel était l’objet de son voyage. Lorsqu’il fut bien décidé que la voyageuse passerait la nuit au château, le marquis fit prévenir sa femme, qui descendit aussitôt. Mme Defert, s’étant rapprochée de la table où était posée la lampe, la marquise put la regarder tout à son aise. Il lui semblait que la figure de Mme Defert ne lui était pas inconnue ; enfin, après bien des hésitations, elle lui mit doucement la main sur le bras, et lui dit : « Vous êtes madame Defert ! »

La voyageuse tressaillit de surprise et d’effroi, et regarda la marquise d’un air égaré.

« N’êtes-vous pas la mère du lieutenant Defert ? reprit avec moins d’assurance la marquise, qui craignait de s’être trompée.

— Oui, madame ! Et elle continuait à trembler de tout son corps.

— Madame, nous pouvons vous parler de votre fils. »

Mme Defert poussa un cri et se couvrit la figure de ses deux mains. « Dites-moi tout, murmura-t-elle d’une voix tremblante.

— Je vous dirai tout d’un mot : il est vivant. »

Alors Mme Defert lui saisit les deux mains et la regarda fixement. Puis les sanglots qui l’étouffaient éclatèrent, et elle pleura ; mais quelles larmes, et quel céleste sourire sur ce doux visage qu’elle tournait du côté de ses hôtes !

« Je vous ai reconnue à la ressemblance, qui est frappante, dit la