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Page:Les Braves Gens.djvu/44

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LES BRAVES GENS.

du poids de son plastron. Sa face, derrière le treillis de son masque d’escrime, présentait un aspect si lamentable, qu’on l’aurait pris pour l’infortuné captif au masque de fer.

« Il ne tire pas mal, disait M. Aubry ; seulement il arrive toujours trop tard à la parade. »

C’était un jouvenceau timide qui cherchait à se donner de la tenue et de l’assurance, et s’imposait pour cela une éducation martiale.

Le maître d’armes, par manière de salut adressé au capitaine qui entrait, porta une botte dans le plastron du jouvenceau timide, qui fut ignominieusement boutonné.

« Touché ! dit-il de son ton bref. Bonjour, capitaine ; une, deux ; je suis à vous ; une, deux ; comment cela va-t-il ? En voilà assez pour aujourd’hui. »

Le jouvenceau timide, tant qu’il eut son harnois d’escrime, resta tout penaud devant les deux hommes de guerre. Mais quand il eut repris son costume d’élégant, il lui revint un tout petit peu d’assurance ; car les deux soldats n’étaient plus dès lors à ses yeux que des individus mal habillés. Le capitaine, qui d’ordinaire se préoccupait peu des détails d’une toilette, fut frappé de la coupe de son faux-col, et conçut aussitôt une idée qui germa dans sa tête, et plus tard porta ses fruits.

« Avez-vous été parrain dans votre vie ? » demanda le capitaine sans autre préambule.

Le maître d’armes avait été parrain autrefois, à preuve qu’il avait de par le monde un filleul, qui lui écrivait tous les ans, et auquel, tous les ans, il envoyait de bons conseils, et une pièce de 20 francs aussi neuve que possible (parce que cela a meilleur air).

« Conseils perdus ! argent perdu ! Mais enfin c’est mon filleul, quoique ce soit un fameux imbécile.

— Puisque vous avez été parrain, vous allez me dire tout de suite ce que doit faire le jour du baptême un parrain qui se respecte. Il s’agit d’un garçon, vous allez me détailler cela sans rien passer. Je suis pour être bientôt parrain, et vous comprenez, mon vieux, qu’il ne s’agit pas de faire des sottises.

— Mais, capitaine, reprit le maître d’armes, il y a quelqu’un qui vous dira cela mieux que personne, c’est Mme Defert.

— Voilà la difficulté, répliqua le capitaine ; c’est que, malheureusement, je ne puis pas la consulter. »